Monsieur Yves Daudet, Président de l’Académie de Droit International,
Monsieur Philippe Gréciano, Président de l’Université Franco-allemande,
Excellences, Messieurs les Ambassadeurs,
Distingués panélistes,
Chers participants,
Il m’est particulièrement agréable de me joindre à vous aujourd’hui au Palais de la Paix. Je voudrais tout d’abord remercier les organisateurs du Dialogue franco‑allemand d’avoir invité l’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques, l’OIAC, à participer à cet important événement.
Le thème des débats d’aujourd’hui – “Surmonter ensemble les crises internationales” – ne saurait être plus pertinent en ces temps troublés.
À l’heure où notre monde devient toujours plus incertain, voire dangereux, nous avons la responsabilité de renforcer nos actions collectives pour résoudre nos problèmes communs.
La multiplication et la conjonction des crises internationales auxquelles le monde fait face aujourd’hui, soumettent la communauté internationale à des pressions sans précédent. Le changement climatique, l’insécurité alimentaire, la pauvreté et les inégalités, les conflits armés et le terrorisme, ne sont pas des moindres.
C’est sur cette toile de fond que nous assistons à une réelle menace d’érosion du système de contrôle des armements, de désarmement et de non-prolifération.
Les instruments internationaux visant à limiter ou à interdire les armes les plus destructrices ont été affaiblis, ignorés, et risquent dans plusieurs cas d’être paralysés.
Dans ce contexte, la contribution de la Convention sur l’interdiction des armes chimiques à la paix et à la sécurité dans le monde est remarquable.
La Convention est un traité de désarmement majeur et est devenue la clé de voûte de l’architecture de contrôle des armements.
Au lendemain de la guerre froide, la Convention a permis de fournir l’assurance que toute une catégorie d’armes de destruction massive serait reléguée dans les oubliettes de l’histoire en quelques années.
Dans ce climat favorable à la coopération multilatérale, la Convention a été signée à Paris en janvier 1993 et est entrée en vigueur en avril 1997.
La Convention a instauré une interdiction complète des armes chimiques, soumise à une stricte vérification internationale.
La détermination de la communauté internationale était alors motivée par les conséquences effroyables de l’emploi de ces armes au cours de l’histoire, en particulier lors de la Première Guerre mondiale.
Aujourd’hui, en dépit des violations dont il a fait l’objet, le tabou des armes chimiques perdure.
Cependant, la menace persistante que ces armes continuent de poser montre que la tâche consistant à empêcher leur réapparition n’est pas limitée dans le temps.
Depuis son entrée en vigueur, la Convention sur l’interdiction des armes chimiques a constitué le soubassement du cadre international dans le domaine du désarmement et de la non-prolifération des armes chimiques et grâce à sa mise en œuvre, l’OIAC compte désormais 193 États membres.
En outre, en vingt-six ans, l’Organisation a vérifié que plus de 99 % de tous les stocks d’armes chimiques déclarés ont été détruits.
Les plus de 4 400 inspections industrielles effectuées à ce jour, dans plus de 80 pays, ont permis de s’assurer que les produits chimiques toxiques sont utilisés exclusivement à des fins non interdites. Telles que dans l’agriculture, l’industrie pharmaceutique, la recherche, etc.
Pour tirer profit des avantages économiques et technologiques qu’offre la Convention, nous avons mis en place des programmes visant à encourager dans le monde entier les applications pacifiques de la chimie grâce à la formation et à l’assistance, tout en aidant nos États membres à se prémunir et à réagir dans l’éventualité d’un attentat ou d’un incident chimique.
Les efforts soutenus de l’OIAC en vue d’éliminer les armes chimiques lui ont valu le prix Nobel de la paix en 2013.
En dépit de ces excellents résultats, force est de constater que des armes chimiques continuent d’être employées.
Au cours de la dernière décennie, le monde a été témoin de l’emploi des armes chimiques en Fédération de Russie, en Iraq, en Malaisie, en République Arabe Syrienne, et au Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord. Le Secretariat Technique de L’OIAC a fourni une assistance technique au Royaume-Uni et à l’Allemagne pour confirmer l’identité des agents de guerre chimique utilisés lors de ces incidents.
C’est en Syrie que les violations de la norme interdisant l’emploi de ces armes ont été les plus nombreuses, et il est préoccupant de constater que notre travail est loin d’être achevé.
Les États parties, par l’intermédiaire des décisions prises par les organes directeurs de l’OIAC, ont résolument agi en exigeant de la Syrie qu’elle remédie à son incapacité à déclarer et à détruire toutes ses armes chimiques et ses installations de fabrication d’armes chimiques.
Le Secrétariat de l’OIAC continue de mettre en œuvre les mandats qui lui ont été confiés en vertu de ces décisions.
Pour s’assurer que la norme reste forte, il faut toutefois maintenir l’obligation de reddition de comptes en cas d’emploi d’armes chimiques.
L’OIAC n’est pas un organe judiciaire et n’a pas le pouvoir d’attribuer de responsabilité pénale individuelle. Toutefois, elle soutient les mécanismes de responsabilisation en recueillant et en fournissant des preuves sur une base scientifique et impartiale.
Le conflit en Ukraine engendre des craintes et des menaces d’emploi d’armes de destruction massive, y compris d’armes chimiques.
Le Secrétariat de l’OIAC continue de suivre de près cette situation grave et reste en contact avec les États concernés.
Le Secrétariat a apporté son appui à l’Ukraine, à sa demande, en organisant des cours de renforcement des capacités pour les premiers intervenants ukrainiens et en fournissant du matériel financé par les contributions volontaires des Etats parties.
Je tiens à souligner que la Fédération de Russie et l’Ukraine sont toutes deux parties à la Convention sur l’Interdiction des Armes Chimiques. En conséquence, elles se sont engagées solennellement et volontairement à en respecter les obligations
Outre l’emploi potentiel d’armes chimiques par des États, nous ne devons pas sous-estimer la menace posée par des terroristes ayant accès à des produits chimiques toxiques à des fins hostiles.
Compte tenu des risques élevés, le Secrétariat de l’OIAC s’efforce de renforcer les instances nationales afin qu’elles soient mieux à même de détecter les activités chimiques criminelles et d’engager des poursuites à leur encontre.
En outre, nous tissons des liens de plus en plus étroits avec nos partenaires internationaux et régionaux afin de renforcer les capacités mondiales de lutte contre le terrorisme chimique.
L’accélération des progrès en science et en technologie suscite des inquiétudes, mais présente également des avantages pour la mise en œuvre de la Convention.
Pour que l’Organisation reste adaptée a ses objectifs, nous devons suivre le rythme des évolutions scientifiques et technologiques. L’industrie chimique mondiale se développe en taille et en sophistication, ce qui accroit le risque posé au cas où des substances toxiques devaient tomber entre de mauvaises mains. Ce risque, ainsi que la disponibilité de nouveaux produits chimiques et de nouveaux modes de distribution, a l’exemple des drones, peuvent entrainer des conséquences catastrophiques.
Le nouveau Centre de recherche en chimie et en technologie de l’Organisation, qui a été inauguré le mois dernier, a quelques kilomètres d’ici, jouera un rôle essentiel pour que l’OIAC reste à l’avant‑garde des efforts déployés à l’échelle mondiale pour débarrasser la planète des armes chimiques.
Le Centre offre une plateforme moderne pour nos activités de recherche, d’analyse, d’échange d’informations, de formation, et de renforcement des capacités.
Pour préparer l’avenir et pour pouvoir s’adapter continuellement à un paysage sécuritaire en constante évolution, les États Membres doivent veiller à ce que l’OIAC conserve et développe ses capacités, notamment les connaissances et les compétences en matière de désarmement chimique,
La cinquième Conférence d’examen sur la convention de l’interdiction des armes chimiques, qui s’est tenue le mois dernier, a représenté un moment important à cet égard.
Malgré l’absence d’accord sur un texte final, le processus a permis de dégager un large consensus sur de nombreuses questions et pourrait servir de base à de nouveaux efforts visant à renforcer la mise en œuvre de la Convention.
Chers participants,
En période de menace a la paix et à la sécurité internationales, l’inaction n’est pas une option, pas plus que l’indifférence, car chaque acteur a une responsabilité envers la communauté internationale.
A cet égard, la Convention sur l’Interdiction des Armes Chimiques et l’OIAC illustrent ce qui peut être réalisé si la communauté internationale s’unit dans une cause commune pour le plus grand bien de tous.
Nous devons préserver nos institutions de sécurité existantes et les renforcer pour les générations futures.
Dans cette entreprise, l’OIAC continuera à s’acquitter de son mandat, a jouer son rôle de concert avec toutes les parties prenantes concernées.
J’espère que vos discussions d’aujourd’hui contribueront à faire avancer la compréhension des questions clés de la paix et de la justice et qu’elles permettront d’explorer de nouvelles avenues.
Je vous remercie.